mercredi 25 novembre 2009

Tf1 change-t-elle de visage ?

Donner une réponse directe à cette question serait surement un peu prématuré et cette réponse risquerait d’être infondée, mais c’est déjà quelque chose d’en venir à se poser la question aujourd’hui.
Je fais parti des nombreuses personnes qui en France ont une mauvaise image de cette chaine et en particulier de son journalisme que je considère de très mauvaise qualité.
Et pour cause, Tf1 est une chaine qui a toujours été très proche de la droite, même si elle l’a été de façon différente au cours de l’histoire.
Dans les vingt dernières années, cette identité de la chaine s’est encrée beaucoup plus, surtout depuis sa privatisation en 1987.
Désormais, plus qu’une chaine de droite, elle est étiquetée comme une chaine clairement sarkozienne, et donc présidentielle depuis 2007. Ce ne sont pas des conclusions personnelles, mais bien le triste constat qu’ont fait de nombreux français. Les JTs de Tf1, les émissions d’information diffusées par la chaine ont joué le jeu de la droite française en créant une tension forte et un sentiment d’insécurité. Tf1 a ensuite fait de Nicolas Sarkozy, ami intime du propriétaire de Tf1 et du groupe Bouygues, un personnage médiatique, surement l’homme politique le plus médiatisé ces dernières années. Tf1 a créé le personnage Sarkozy, elle en a fait un ministre star, puis un président. En peu de mots, Tf1 a su présenter un problème, l’insécurité, et proposer sa solution, Sarkozy.
Depuis l’élection de 2007, et les changements au sein de la première chaine française, les français ont bel et bien eu la confirmation du fait que l’ancien maire de Neuilly avait des relations directes avec Tf1. Après peu de mois, le directeur de l’information de la chaine, Robert Namias, proche de Chirac, a perdu son poste, la direction a été complètement changée, et même le premier journaliste de France, présentateur du JT de la chaine depuis la fin des années 80 a été renvoyé. Tous ont été remplacés par des proches du neo-président.
De la chaine gaulliste à la chaine sarkozienne, la Une devenue Tf1 est toujours un bastion de la droite. Seul Chirac n’a pas eu de liens forts et directs avec les dirigeants de la chaine, et cela est a été dû au choix du groupe Bouygues de soutenir Balladur en 1995. Francis Bouygues, fondateur du groupe avait une très mauvaise image de Chirac, et son fils, Martin, actuel PDG était lui le meilleur ami de Sarkozy qui soutenait Balladur.
C’est peu après ces élections de 1995, après la défaite du candidat choisi par la chaine qu’est née le choix éditorial qui a fait l’identité de Tf1. Après les élections, la chaine, abandonnée par la droite chiraquienne, a décidé de se concentrer sur les faits divers. L’idée de Mougeotte et Le Lay était clairement de faire une information spectacle, plus attirante pour les téléspectateurs ; une information qui en se concentrant sur les faits divers pourrait transmettre à la société française les valeurs de la droite, en faisant naitre un sentiment d’insécurité, de façon à ce que la droite puisse s’offrir comme solution à ce problème. Rappelons qu’au bout de deux ans, la gauche était revenue au pouvoir, depuis 1997 Jospin avait formé le gouvernement de la gauche plurielle, et Tf1 avait la possibilité de se racheter envers la droite chiraquienne en préparant le terrain pour la campagne de 2002.
Et effectivement, durant cette campagne, le thème de l’insécurité a été central pour Chirac… le problème, c’est que ce thème a aussi été le thème central du Front National, et on connait tous les conséquences des choix éditoriaux de Tf1 ces années là.
Le reste, tout le monde s’en souviens, comme je l’ai dit, après cela, Sarkozy, nouveau ministre de l’intérieur a été présenté comme un héros, comme la solution humaine à ce problème et sa surmédiatisation a fait en sorte que cet oublié de la politique de 1995 à 2002 devienne un personnage central, puis le Président de la République française.
Depuis 2007, la chaine a été plus que remerciée pour les services rendus ; la dernière réforme de l’audiovisuel qui a supprimé en partie la publicité sur les chaines publique a engendré des gains considérable à la première chaine.
Mais revenons à la question posée au début de l’article. Avant toute chose, pourquoi se poser une telle question aujourd’hui ? La réponse est simple, j’ai vu ce soir sur Tf1 un reportage d’assez bonne qualité et qui ne correspondait absolument pas à la ligne politique adoptée par la chaine depuis presque 15 ans. Je parle du très publicisé reportage du nouveau présentateur vedette de Tf1 sur les banlieues : « Harry Roselmack derrière les murs de la cité ». Je suis rentré en France pour une semaine, et n’avais pas eu l’occasion de voir la télévision française depuis quelque mois. Quand j’ai vu, la semaine dernière une nouvelle émission de France 5 sur les médias faire de la publicité pour ce reportage, j’ai tout de suite été consterné pour deux raisons : la première, parce que j’avais des préjugés sur ce reportage connaissant ce que propose habituellement Tf1 sur les cités et l’image des banlieues que la chaine transmet ; ensuite parce qu’après avoir mis fin à l’émission « arrêt sur image » sur demande de Sarkozy, je trouvais exaspérant de voir que cette nouvelle émission d’analyse des médias fasse de la pub pour des reportages deTf1. Ce soir, j’ai décidé de regarder ce reportage par curiosité pour voir le travail de Roselmack et pour comprendre les intentions de la chaine en transmettant un tel documentaire.
Et là, surprise, le reportage présente dés le début un objectif : casser l’image qu’ont les français des banlieues, chercher à comprendre ceux qui y vivent, leur vie quotidiennes, leur relation avec le système, la police, les médias. Et cette fois, les personnes interrogées n’étaient pas des gens qui se plaignaient des violences quotidiennes. Dans ce reportage, les contrôles constants de la police ont même étés critiqués. On a vu sur Tf1 ce soir une image très humaine des cités, où les mauvaises conditions de vie des jeunes étaient clairement expliquées, dénoncées. Un coté très social est apparu à l’écran, le reportage ne prônait aucunement les bienfaits de la répression policière, contrairement aux nombreux reportages proposés par la chaine ces dernières années. Tf1, ce soir a proposé à ses téléspectateurs un reportage qui contredisait absolument 15 ans de reportages à la Charles Villeuneuve! Cette image des banlieues dangereuses, invivables, où ne règne que la violence a été cassé ce soir par ce reportage. Mais pourquoi?
La réponse que j’apporte est une opinion personnelle. Je pense que Tf1 a besoin de changement, après toute ces années, la ligne éditoriale, l’identité de Tf1 est bien claire, elle est assez mal vue, considérée trop proche du pouvoir. Elle a fait un journalisme de très mauvaise qualité ces dernières années. Et les gens ont pris conscience des liens qu’à Tf1 avec la droite sarkozienne suite aux réformes faites en faveur de la chaine et aux grands changements qui lui ont été imposés par Sarkozy lui-même.
Mais après ces faveurs accordées par Sarkozy avec la réforme de l’audiovisuel, et maintenant que des proches du président sont à la direction de la chaine, comment Tf1 peut se permettre d’abandonner la ligne éditoriale qui lui est chère et pourquoi le faire? C’est bien simple, Sarkozy est désormais Président de la République et après avoir mis les mains sur les médias, favoriser Tf1 et avoir minimisé l’opposition télévisée et journalistique ; il a besoin aujourd’hui de démentir cette image peu démocratique, et donc qu’il y a en France un journalisme libre et non pas gouvernemental.
En ce qui concerne Tf1, comme je l’ai dit, il y a un réel besoin de changer d’identité, la chaine est mal vue. Alors elle propose une « semaine pour l’emploi » et diffuse des reportages avec une identité différente, plus sociale. On a presque envie de croire que Tf1 veut réellement changer définitivement, et se proposer comme une chaine alternative. Mais je pense personnellement que cela correspond à un choix marketing, la chaine a besoin de se forger une image nouvelle pour faire de l’audimat ; elle l’avait déjà fait, au début des années 80, peu de temps avant la privatisation quand les chiffres de Antenne 2 étaient meilleurs. Le contexte n’est certes pas le même, mais ces années là, le journalisme proposé par Tf1 a été un journalisme de qualité, comme celui proposé ce soir. Les prochaines élections présidentielles auront lieux en 2012, Tf1 cherche peut-être à récupérer des téléspectateurs perdus, et elle peut se permettre une ligne tout à fait différente, Sarkozy est encore sûr de conserver son poste pour les trois prochaines années. D’un autre coté, il faut bien se dire une chose : le Président de la République n’a de toute façon plus aucun intérêt à avoir une chaine qui transmet une mauvaise image des banlieues. Il s’est présenté comme un sauveur, l’homme du changement, alors c’est bienvenu si la majorité des gens commence à penser que le problème des banlieues est un problème du passé. Continuer à transmettre une mauvaise image des cités et à insister sur le thème de l’insécurité sous-entendrait qu’il n’a pas su résoudre le problème, et ferait le jeu d’un parti plus extrémiste qui insiste depuis longtemps sur ces thèmes : le Front national. Ainsi, Tf1 contribue à faire du gouvernement actuel un gouvernement efficace. Cela expliquerait aussi l’intérêt du reportage de ce soir de parler positivement de la multi-culturalité, des deuxièmes et troisièmes générations d’immigrés. Reste pour moi une question importante : Harry Roselmack, le journaliste noir de Tf1 est-il instrumentalisé par la chaine et par le pouvoir pour changer l’image de Tf1 et de l’UMP???