dimanche 8 mai 2011

La vérité sur la crise des déchets de Naples


La vérité sur la crise des déchets de Naples
Les raisons politiques et économiques

Pour comprendre les raisons du problème des déchets à Naples, il y a de nombreux éléments à prendre en considération. Ce n'est pas la première fois que j'écris un article sur cet argument, le dernier remonte à la dernière crise que nous avons connu en 2008.

Pour de nombreux italiens, les raisons de ce problème ne sont pas claires, et cela est dû au fait qu'il y a une désinformation très forte en la matière. La plupart des journaux et des médias ne se limitent qu'à faire un bilan de la situation, montrant les images des déchets accumulés dans les rues. Peu sont les journaux qui cherchent à faire une analyse politique de ce problème; et ceci est dû au fait qu'il y a beaucoup d'intérêts en jeu, des intérêts économiques surtout, mais aussi politique.
Ce qui est inquiétant par contre, c'est de voir que même de la part de nombreux journaux à l'étranger, il n'y a pas la volonté d'approfondir ce thème par des enquêtes. Trop souvent les articles sont faits avec les nouvelles envoyées par les agences de presse italiennes, et les images utilisées par les journaux télévisés sont celles envoyés par les confrères italiens. Résultat, cette désinformation arrive même à l'étranger.

La crise des déchets à Naples et dans la région Campanie est un problème qui éxiste depuis 16 ans désormais. Il faut remonter à 1994 pour en connaître les racines.
Jusqu'en 1994, de nombreux industriels italiens organisaient un trafic de déchets toxiques en Somalie, ex-colonie italienne. Pour les grandes industries, le traitement de ce type de déchets est très couteux, et pendant des années, une grande partie de ces déchets étaient dévérsée dans la corne d'Afrique, avec la complicité des douanes, de l'armée italienne, et d'autres institutions somaliennes et italiennes. Tout cela a été dénoncé par Ilaria Alpi, journaliste italienne de la chaine RAI 3. Non seulement, elle a su dénoncer de manière précise ces trafics, mais beaucoup de choses portent à penser qu'elle détenait des preuves concrètes qui auraient pu démenteler tout le réseau. De nombreux hommes politiques italiens, de nombreux entrepreneurs, mais aussi des membres haut gradés de l'armée étaient impliqués. Le 20 mars 1994, elle était assassinée à Mogadiscio, capitale somalienne, avec son caméraman. Le matériel qu'elle avait à disposition n'a jamais été retrouvé.

Quel est le rapport entre cette histoire et le problème napolitain? Suite à l'omicide l'Ilaria Alpi, le trafic de déchets n'a plus été possible dans l'ex-colonie italienne, et c'est la Camorra, mafia napolitaine, qui a trouvé la solution. Dés 1995, c'est dans la région Campanie qu'ont commencés à être déversés les déchets toxiques des industries du nord du pays. Dans de nombreuses décharges publiques, des tonnes de déchets toxiques ont été dévérsés ces 15 dernières années, et c'est un vrai désastre écologique que connait la région Campanie; et non pas une simple crise des poubelles.
La camorra, avec la complicité de grands industriels et de nombreux hommes politique de droite comme de gauche a mis les mains sur les décharges publiques et créé de nombreuses décharges abusives. La nouvelle décharge publique construite à Naples dans le quartier Chiaiano en 2008, sur décision directe du gourvnement Berlusconi a été fermée il y a quelques mois parce que des enquètes ont démontré qu'elle était aux mains de la Camorra.

Tout cela n'est cependant qu'un aspect du problème. Il faut ajouter le fait que dans la ville de Naples, la société de gestion de la récolte des déchets est une société privée, tout comme les sociétés qui gérent le traitement des déchets dans la région.
Même si le service est de piètre qualité, la région de Naples est celle où les impots pour le traitement des déchets sont les plus élevés d'Italie; et le traitement des déchets est un buisness très fort dans un département qui compte 3 millions d'habitants sur un périmètre assez restreint.
La production de déchet est très forte par rapport au périmètre et pour les entreprises qui travaillent dans ce secteur, les poubelles vallent de l'or.
Alors nous avons des administrations locales qui continuent à verser de l'argent public à ces sociétés privées et qui refusent de mettre en place un système de tri séléctif à Naples et dans les allentours.
L'Italie paye chaque année des amendes salées à la commission européenne parce que trop de villes ne font pas le tri séléctif. Alors le raisonnement est simple: si ceux qui nous gouvernent, au niveau local et national choisissent de dépenser de l'argent public pour payer un service qui laisse à désirer et pour payer les amendes à la comission européenne, c'est parce qu'il y a de nombreux intérêts et que la corruption est surement forte. Les acteurs de cette histoire sont: la camorra, les industriels du nord, les sociétés privées qui gèrent le traitement des déchets, et surtout les grands groupes de constructions qui ces dernières années ont construit de nombreuses décharges publiques et de nombreux incinérateurs.

Depuis des années, de nombreux mouvements, de nombreux comités citoyens ménent une dure bataille contre les institutions locales et nationales, demandant simplement l'organisation d'un système de tri séléctif des déchets, et refusant la construction continue de nouvelles décharges et de nouveaux incinérateurs. A Naples, le comité de Chiaiano méne cette bataille depuis 4 ans. Au quartier Scampia (connu comme quartier de la Camorra, grace ou à cause du roman et du film Gomorra), ces derniers mois un nouveau comité s'est formé aprés la décison de la mairie d'y faire une nouvelle décharge. A Quarto, a Terzigno, a Acerra, de nombreux autres comités luttent depuis des années pour les mêmes raisons. Alors entendre parler de l'incivilité des napolitains qui seraient responsables de ces crises des déchets, mais qui font au contraire preuve de citoyenneté, c'est absolument déconcertant.

La mauvaise gestion et la complicité de Bassolini, président de la Région Campanie de 2000 à 2010, et le refus du Maire de Naples Iervolino de faire le tri séléctif dans cette ville sont l'une des raisons du problème. En 2008, en pleine crise des déchets, c'est en dénonçant la mauvaise gestion du centre gauche et en promettant de résoudre le problème que Berlusconi a obtenu de très bons résultats dans la région. Il n'a en rien résolu le problème cependant, étant donné qu'aujourd'hui le trafic des déchets est encore fort, que le tri séléctif ne se fait toujours pas et que tout les térritoires contaminés n'ont pas été bonifiés. Il a su faire en sorte que les montagne de déchets disparaissent de Naples, mais il n'a fait que dégager les conséquences du problème. A l'époque nous étions conscients que ce n'était que question de temps pour revoir ce problème à l'ordre du jour, et au bout de deux ans, voilà que les rues sont de nouveaux pleines de déchets.
Ce que les journaux ne disent pas cependant, c'est que même quand les déchets sont récoltés régulièrement et même quand les villes sont propres, le problème est toujours présent.
Au yeux de beaucoup le problème des déchets émerge de temps en temps, tout les deux ou trois ans, mais ce problème en réalité est un problème continu. Les manifestations pour une gestion publiques des déchets et pour le tri séléctif sont très courrantes, en décembre 2010 et en mars 2011 ce sont fait à Naples deux manifestations régionales pour ces raisons. A Terzigno, c'est une bataille quotidienne depuis la décision prise l'année dernière de faire une décharge dans le parc naturel du Vésuve; mais les images des citoyens de Terzigno qui éssayent de bloquer l'arrivée de camions qui déchargent toute sorte de déchets, et la réponse de la police qui charge ces même citoyens, ne passent sur aucune télévision! Et pourtant ces scénes se répètent constament depuis plus d'un an.

En pleines élections municipales, Berlusconi et Lettieri, candidat de son parti pour la ville montrent du doigt la gestion du centre gauche et promettent de résoudre le problème avec de nouvelles décharges et de nouveaux incinérateurs. Et de tout les journaux qui il y a deux ans insistaient sur le fait que Berlusconi avait résolu le problème, personnes ne met en évidence qu'à l'époque il n'a rien résolu du tout!

J'aimerai qu'un jour, un journaliste français, débraque à Naples pour faire un reportage sur la grande preuve de citoyenneté des comités napolitains, sur le buisness des déchets dans cette région et sur les responsabilités des administrations locales et du gouvernement.

Raphael Pepe