vendredi 10 septembre 2010

France et Italie, un contexte politique de plus en plus similaire


La main mise sur les médias

Nul ne peut contester que l'on a assisté en France, dés la campagne électorale de 2007, à un changement net de la façon de faire de la politique. La droite - comme la gauche qui a choisi de s'adapter - a fait une campagne médiatique clairement centrée sur un personnage et non sur les idées d'un parti. Cette campagne présidentielle a été d'un genre nouveau pour la France.
Les petits partis ont eu une très faible visibilité à la télévision (il suffit de consulter les temps de paroles de chacun de candidats) et un bi-partitisme net s'est clairement affirmé d'un point de vue médiatique, avec un centre gauche et un centre droit de plus en plus similaires. Bi-partitisme qui ne s'est pas forcement retrouver aussi nettement à la sortie des urnes, puisque les partis ayant obtenu de fort résultat était quatre.
Ce bi-partitisme qui caractérise de nombreux pays d'Europe serait en France d'un genre nouveau. En Italie, c'est au milieu des années 90, avec l'entrée en politique de Berlusconi et la scission volontaire du Parti communiste (PCI) que ce bipartitisme est apparu, avec un système électoral certes différent de celui que l'on connait en France, puisqu'il a imposé la nécessité de coalitions (il n'ya pas de deuxième tour aux législatives en Italie). Il ne s'agit donc pas forcement en Italie d'un bipartitisme net, mais plutôt d'un bipolarisme fait de coalitions.
Le style de communication adopté par Sarkozy ces dernières années n'est autre que le « style Berlusconi ». Des thèmes simples, populistes et la construction d'un personage aux milles facettes. Pour pouvoir construire un personnage et imposer les thèmes qui sont au cœur du débat politique national, le contrôle des médias était cependant un facteur essentiel.
En Italie, c'était chose faite dés la création du parti Forza Italia en 1994, puisque Berlsuconi détenait déjà depuis plus de 10 ans les trois chaines privées les plus importantes, des chaînes qui ont été favorisées par les gouvernements de Craxi et Andreotti.
Après plusieurs tentatives en 1984, 1986 et 1987, c'est par la loi Mammi de 1990 qu'ils réussirent à légitimer la situation des chaines berlusconiennes, jusqu'alors en violation des règles de l'audiovisuel.
Les bases pour construire son personnage, Berlusconi les avait donc depuis 10 ans, mais il ne s'est pas limité à cela; avec ses chaines de télévision, il a réussit à faire de la société italienne une société de consommation et à affaiblir de plus en plus les deux grands partis de masses, le PCI et la Démocratie Chrétienne (DC).
En 1994, il se proposait comme un visage nouveau et différent de la politique italienne, un entrepreneur qui s'est construit tout seul (chose bien entendue plus que discutable).
En France, les relations entre Sarkozy et Bouygues (propriétaire de TF1) sont assez similaires à celles qu'ont été les relations entre Craxi (PSI) et Berlusoni dans les années 80. A l'époque, Berlusconi, par ses chaines télévisées favorisait nettement le parti de Craxi, qui de son coté a permi au groupe médiatique du Cavaliere de s'imposer face à la télévision publique (RAI).
De 2001 à aujourd'hui, c'est exactement ce qui a marqué les relations Bouygues-Sarkozy. Dés la nomination de ce dernier comme premier flic de France, les journaux télévisés de TF1 ont contribué à la construction du personnage.
En France et en Italie, les journaux télévisés ont fait du thème de la sécurité l'argument principal du débat politique national; ce qui a permis à la droite de miser sur ce débat qui lui est cher, et d'imposer à la gauche de répondre sur ce thème en période d'élection.
Dans les années 80, en France, les éléctions se jouaient sur des théories politico-économique, sur le débat nationalisation-privatisation, sur des thèmes comme le travail, la santé, l'éducation. Aujourd'hui, les médias ont réussi dans ces deux pays à faire en sorte que les élections se jouent sur des thèmes comme l'immigration et la sécurité.
En remerciement, en France, la réforme de la télévision favorisant TF1 n'a pas manqué. En diminuant la publicité sur France Télévision, les chaines privées ont tirés de nombreux profits, se divisant entre elles le marché publicitaire sur les heures de plus grosse écoute. Inutile de rappeler combien de telles relations entre politique et médias peuvent avoir une influence négative sur la qualité de l'information.


Une droite sécuritaire qui ne fait pas face à la crise économique

C'est vers 1995 que TF1 a choisi cette ligne sécuritaire que tout le monde connait, en créant de nombreuses émissions qui proposaient des reportages sur les violences dans les banlieues. Il faut cependant dire qu'à l'époque le choix n'a pas été dicté par des relations politiques.
Bien au contraire, après la défaite d'Edouard Balladur, candidat choisi par la chaine de Bouygues aux élections présidentielles de 1995. Les rapports entre l'Élysée et la chaine étaient loins d'être bons. L'autre candidat de la droite fraichement élu, Chirac, n'était pas du tout en bons termes avec Le Lay et Mougeotte. Il faut rappeler que Francis Bouygues disait clairement qu'il reprochait à Chirac la défaite de la droite en 1988.
Ayant perdu des relations importantes au sein de la classe politique, TF1 a choisi de parler de plus en plus de faits divers aussi bien durant les JT que durant les émissions d'informtation proposées pas la chaîne, et ce pour deux raisons. La première était simplement stratégique, parler de micro-violence et de faits divers fait augmenter l'audimat; la seconde par contre était plutôt idéologique, Le Lay avait des liens avec l'extrême-droite française, et parler d'insécurité c'était bon pour le FN.
Les rapports entre la première chaîne et le gouvernement se renoueront quand, en 2002, il y a eu la nécessité pour les dirigeants de TF1 de retrouver la droite au pouvoir. Après la victoire de Chirac aux élections et la nomination de Nicolas Sarkozy au ministère de l'intérieur, les liens entre le gouvernement et TF1 se sont nettement renouer. Martin Bouygues, président du groupe depuis 1989, et Nicolas Sarkozy, c'était une histoire d'amitié vieille de plus de 15 ans.
Alors pendant le deuxième mandat de Chirac, l'acteur le plus important a toujours été Sarkozy. C'est de lui que l'on parlait le plus dans les médias, lui le sauveur de la France qui avait peur. En 2007, aprés 5 ans de couverture médiatique, tout était prés pour l'élection présidentielle.
Berlusconi s'est créé lui-même son propre personnage, avec des médias qui lui appartenait, mais le personnage Sarkozy, c'est du made in Bouygues.

Aujourd'hui, en Italie et en France, même en temps de crise économique, la plus grande que l'on ait connu depuis 1929, au cœur du débat politique les grands thèmes sont toujours l'immigration et la sécurité.
Aprés 2 ans de crise, personne n'a remis en cause un modèle néo-libéral qui s'est pourtant révélé fallimentaire. Depuis 2008, Brice Hortefeux a mené une politique contre l'immigration que l'on peut qualifier de raciste, l'un des grands débats en France a été celui de l'identité nationale, et aujourd'hui c'est à une chasse aux roms que l'on assiste dans ce pays qui continu a prétendre être le « pays des droits de l'homme ». Du côté italien, c'est la même musique, Berlusconi continu à dire que la péninsule n'est pas touchée par la crise, comme le sont ses voisins, comme si la crise n'avait pas réussit à passer les Alpes; tandis que dans le sud de l'Italie le chômage dépasse largement les 20% et qu'en Italie prés de 17% du PIB est encore aux mains des organisations criminelles selon des estimations. Mais l'heure n'est pas au dramatisme sur la situation économique, dans les médias on parle de problèmes qui selon le gouvernement et le ministre de l'intérieur Maroni, sont bien plus important: les roms, la délinquance, et l'immigration. Avec un « paquet sécurité » voté fin 2008, le statut de clandestin est désormais équivalent à un statut de criminel, c'est à dire que selon la loi préparée par Maroni, les clandestins désormais considérés hors la loi, ne seront pas simplement renvoyer chez eux, mais encourent avant tout une peine qui peut aller jusqu'à l'incarcération.

Aujourd'hui, dans les deux pays, non seulement la politique sécuritaire est contestée, mais les français et les italiens attendent toujours une vraie réponse à la crise.
Ni en France, ni en Italie, les gouvernements n'ont pris des mesures fortes face à la crise. Les travailleurs n'ont aucune tutelle, les délocalisations sont toujours monnaie courante, et au lieu de renforcer des secteurs publics fondamentaux comme l'éducation et la santé, ceux-ci sont réformés, parce qu'il y a la nécessité de « faire des économies ».
Ce sont aujourd'hui les salariés qui payent la crise, et qui voient leurs droits bafoués. En Italie, les fonds ont été fortement diminués dans l'éducation et la recherche. Des centaines d'emplois ont étés supprimés dans les écoles, collèges, lycées et universités. Résultat: des classes de 35 élèves et des professeurs qui restent sans emploi. Pendant ce temps, de nombreuses industries ont été délocalisés, les salariés de l'usine Fiat de Pomigliano, prés de Naples, luttent contre la fermeture, et des négociation entre le premier constructeur automobile italien et les syndicats de travailleurs sont en cours depuis plus d'un an. L'accord proposé par la Fiat est en violation de tout code du travail, la proposition étant d'accepter de ne pas fermer l'usine et de ne pas délocaliser, en continuant la production; mais en faisant payer un prix fort aux salariés de la FIAT: interdiction de grève, et licenciement en cas d'arrêt maladie. Tout cela peut paraître absurde, mais face à cela les institutions n'ont pas encore levé un doigt et des centaines de salariés sont toujours sur le carreau.
En France, inutile de rappeler que la situation est similaire, de nombreux postes supprimés dans les écoles ces dernières années, l'usine Total de Dunkerque qui a bien risqué de fermer ses portes et une belle réforme des retraites toute prête pour la rentrée.

Dans ce contexte, ajoutons les nombreux scandales en Italie: des rapports désormais certifiés par la justice entre la mafia sicilienne et Berlusoni suite à la condamnation de son bras droit Marcello dell'Ultri, la contestation de la politique berlusconienne dans les derniers jours de la part de la droite plus radicale de Fini qui dénonce les lois faites ad hoc par le premier ministre ces dernières années, de la part de la Confindustria (Medef) qui critique l'incompétence du gouvernement en matière économique et de la part de l'église qui dénonce la politique raciste et xénophobe du gouvernement et les comportement immoraux du leader de la droite.
Depuis son entrée en politique, Berlusconi n'a jamais connu une si grande désapprobation de la part du peuple.
Cette situation fait bien sûr penser à l'actuelle côte de popularité de Sarkozy, et aux divisions avec le reste de la droite, de la droite gaulliste à la droite giscardienne qui désapprouvent la ligne sarkozyste. Enfin, les scandales des relations entre l'UMP et Bétencourt n'arrange rien pour le chef de l'État.

Dans un tel contexte, on en vient à se poser une question bien simple: dans cette situation de crise économique et de mécontentement populaire face aux politiques des gouvernements français et italien, qu'en est-il de la gauche?


Une gauche toujours plus libérale

La France et l'Italie sont les pays européens qui ont eu au cours du vingtième siècle les plus forts partis de gauche. Entre les deux guerre, en France, le Front Populaire formait un gouvernement en 1936, et en Italie, malgré le fascisme et l'interdiction du Parti Comuniste, ce dernier a continué à exister clandestinement et a été le cœur de la résistance italienne. Après la seconde guerre mondiale, le PCI a été le deuxième grand parti de masse, après celui de la DC (démocratie chrétienne). Dans les années 70, il obtenu jusqu'à 30% des voix. Le Parti Socialiste Italien, quant à lui, n'a toujours été que le second parti de gauche, et assez centriste.
En France, par contre, le PCF a obtenu jusqu'aux années 80 des résultats assez importants, mais surtout, le PS a fait durant les premières années du premier mandat de Mitterrand, jusqu'en 1986 au moins, une politique qu'aujourd'hui on qualifierait presque de révolutionnaire. Diminution du temps de travail à 39h, nationalisation de banques et d'entreprises de toutes sortes, du tertiaire comme du secondaire. Alors que le neo-liberalisme de Reagan et Thatcher faisait son école dans le monde entier, en France il y avait encore une gauche forte.
En 1993, en Italie, après le scandale « Mani Puliti », seul le PCI se trouvait indemne et non impliqué dans les affaires de corruption démantelées par la magistrature italienne. Mais après la chute du mur de Berlin, le PCI avait décider de se dissoudre pour être plus modéré, se divisant en deux parti: Rifondazione Comunista et Democratici di Sinistra (DS).
Aujourd'hui en France le PS existe toujours, mais il est bien loin d'être ce qu'il avait été sous le premier mandat mitterrandien, loin des idées de l'un des fondateurs du socialisme français jean Jaures. C'est le PS, sous le gouvernement Jospin qui a complété le processus de privatisation en France, la liste des entreprises privatisées de 1997 à 2002 est assez longue: Air France, le Crédit Lyonnais, France Télécom, Eramet, Thomson Multimédia, CIC, CNP, GAN.
En Italie, les gouvernements Prodi et D'Alema, ont également contribué fortement au processus de privatisation dans les années 80.
Alors qu'en est-il de la gauche qui défendait les valeur du service publique, mettant sous tutelle de l'État des biens et des services, en les protégeant des marchés financiers.
Qu'en est-il de cette gauche qui considérait un certain nombre de biens et services des droits à garantir aux citoyens et non pas des biens et services sur lesquels les investisseurs privés peuvent faire profit?
Cette gauche là, aujourd'hui, en France et en Italie, on l'appel extrême gauche. Défendre les services publics, protéger les travailleurs et garantir un système de protection sociale aux citoyens sont devenus dans l'Union Européenne des réformes politiques contraires à la norme qui est devenu le libéralisme.
Là est la réponse à la question « qu'est devenue la gauche ?». Les partis de centre-gauche ayant accepter depuis le début des années 90 d'embrasser les théories néo-libérales imposées par l'Union Européenne ne sont forcement plus des partis de gauche à proprement dire.
En Italie, ces partis ont choisi de changer leurs noms et d'afficher clairement la couleur, le parti de centre-gauche s'appelle Parti Démocrate, Nichi Vendola a créé il y a deux ans son propre parti suite à une scission avec Rifondazione Comunista et a choisi d'éliminer tout terme comme « socialisme ou communisme », appellant son parti Sinistra e Libertà (gauche et liberté). L'ancien juge Di Pietro a également créé son propre parti, mais bien qu'étant à gauche de l'échiquier politique, son parti L'Italia dei Valori (Italie des valeurs) n'a rien d'un parti de gauche, c'est un parti de crédo libéral qui a choisi de s'opposer à la droite italienne fasciste et populiste. Les seuls aspects sur lesquels Di Pietro s'oppose absolument à Berlusconi sont ceux qui concernent la justice et le non-respect de la démocratie et de la constitution italienne.
En pleine crise économique, une crise due à 30 ans d'application des théories néo-libérale dans le monde entier, comment la sociale-démocratie peut-elle aujourd'hui s'opposer à une politique économique qu'elle défend depuis vingt ans. La faible opposition du PS en France et du Parti Démocrate en Italie est simplement due au fait que d'un point de vue économique, leurs programmes ne diffèrent pas forcément de ceux de la droite. Nous sommes arrivés à un système à l'anglaise ou à l'américaine, avec deux pôles de crédo libéral qui ne s'affrontent plus sur les grands thèmes qui ont passionné et divisés les citoyens jusqu'aux années 80.
Voilà pourquoi aujourd'hui on en est à un point où les élections se jouent sur des thèmes comme l'immigration ou l'insécurité, sur le reste la confrontation entre centre-gauche et centre-droit est devenue inutile.
Ne nous voilons pas la face, même si la politique de Sarkozy et Berlusconi ne sait en aucun cas faire à face à la crise, le centre gauche n'en serait pas d'autant plus capable. On ne peut pas demander à des pyromanes de jouer aux pompiers; qui a engendré la crise ne peut trouver une solution à la crise!