Les faits désormais sont connus de tous, la presse internationale a su montré du doigt l'Italie raciste.
J'ai écrit plusieurs articles sur le thème du racisme, aussi bien en français qu'en italien sur ce blog, le dernier remonte à octobre et je ne m'attendais vraiment pas à réécrire un article sur ce thème après si peu de temps. Le but de cet article n'est pas simplement de revenir sur les violences de Rosarno, mais de les analyser, de comprendre comment on en est arrivé là; mais je ne veux pas non plus m'arrêter à ça. Aujourd'hui, et ce depuis quelques jours je me demande jusqu'où on arrivera, et sur ce point je suis assez pessimiste.
Rappelons tout d'abord que c'est suite aux élections législatives de 2008, et à la victoire de la coalition de droite guidée par Berlusconi qu'a été formé le troisième gouvernement Berlusconi avec une coalition comprenant la Lega Nord (Ligue du nord) de Umberto Bossi, séparatiste, fédéraliste, xénophobe, et les partis de Fini (Alleanza Nazionale) et Berlusconi (Forza Italia) regroupés en un seul grand parti appelé Popolo delle Libertà (Peuple des libertés). Depuis la formation de ce gouvernement, s'est accélérée une politique contre l'immigration déjà présente aux temps de Romano Prodi. Le ministre de l'intérieur, Roberto Maroni, de la Lega Nord a été chargé d'élaborer un projet de loi sur la sécurité, appelé le « paquet sécurité ». Le projet, désormais devenu loi, définit les personnes en situation irrégulière comme étant « clandestins », et instaure pour la première fois le délit de clandestinité. En d'autres termes, les immigrés en situation irrégulière sont désormais considérés hors la loi, ils risquent donc, non plus seulement l'exclusion, mais aussi la prison.
Par ce « paquet sécurité », Maroni a également autorisé les « rondes de citoyens », qui font beaucoup penser aux milices présentes pendant le fascisme. Des citoyens peuvent désormais s'auto-organiser pour faire des rondes dans les villes pour dénoncer et prévenir les actes de violences, mais surtout pour dénoncer les clandestins. Dans toute l'Italie, ce sont des groupuscules d'extrême droite qui organisent ces rondes, qui deviennent parfois des chasses à l'immigré. La loi prévoit entre autre qu'un citoyen qui connait des immigrés en situation irrégulière et ne les dénonce pas puisse être condamné pour « complicité à la clandestinité ».
Depuis quelques années, les télévisions berlusconiennes chantent les mêmes chansons, repassent en boucle les mêmes disques; en chœur, journaux télévisés, présentateurs télés et hommes politiques dénoncent les incivilités des roms qui « violent les femmes et kidnappent les enfants », des africains qui « squattent, sont sales et inciviles », des chinois « qui volent le travail des italiens ». Hier, après des critiques de la part du gouvernement égyptien sur la politique raciste de l'Italie, le leader de la Lega Nord, Umberto Bossi, é déclaré qu'il n'avait pas de leçon à recevoir de la part de ceux qui « tuent les chrétiens »... no comment!
Voilà comment on en est arrivé aux violences de Rosarno, ce n'est pas la première fois que des actes de violences racistes adviennent en Italie ces dernières années, la seule différence est que cette fois les immigrés se sont organisés et se sont révoltés après que l'un d'entre eux ait été attaqué au fusil à pompe et gravement blessé. Pour la première fois, ils se sont réunis et sont descendus dans la rue pour se révolter contre les violences continues qu'ils subissent depuis des années. La police a tout de suite chargé ces manifestants, et s'en est suivie une nuit de violences dans les rues du petit village calabrais. Il y a des dégradations, et suite à ça, quelques habitants de Rosarno ont décidé de s'organiser pour chasser définitivement « ces noirs inciviles » (pour reprendre les mots de certains de ces habitants). Quelle a été la réponse de l'État et de la police?? Aucune.
Pendant deux jours, les habitants de Rosarno ont été libres d'organiser cette chasse à l'immigré, jusqu'au moment où le ministère de l'intérieur a proposé et appliqué sa solution: expulser et transférer tout les immigrés de Rosarno; chose faite, il ont tous été transféré dans les centres d'accueil de Bari et Crotone.
En résumé, des habitants racistes ont tiré sur des immigrés; suite à la révolte de ces derniers, ils ont organisé une « chasse à l'immigré », et en réponse à cela l'État a transféré ces immigrés dans d'autres villes. Par la violence, les racistes de Rosarno ont obtenu ce qu'ils voulaient. Parmi ces immigrés, certains étaient des réfugiés politiques... elle est belle la démocratie italienne, triste surprise pour ces réfugiés qui ont quitté leur pays pour fuir des situations invivables et subissent des violences racistes dans leur pays d'accueil!!
Mais ceux-là sont peut-être les plus chanceux, parce que tout ceux qui n'était pas en situation régulière seront renvoyés dans leur pays d'origine comme le prévoit le « paquet sécurité », et comme l'a annoncé aujourd'hui le ministre Maroni au parlement.
Ce qui s'est passé ces jours-ci ne sera pas sans conséquence, beaucoup en Italie ont eu la démonstration que par la violence, il est possible de chasser les immigrés sans être fortement inquiété par l'État, la police ou la justice, il risque d'y avoir d'autres cas dans les prochains mois. Ensuite, pour la première fois, les immigrés se sont révoltés et ont réussit, de cette façon à faire naître un débat plus sérieux sur le racisme en Italie, aussi bien au niveau national qu'international. Cela risque fortement d'être un modèle pour de nombreuses communautés qui subissent le racisme en Italie, et l'on risque de nouveaux cas de révoltes et de violences. Je ne nierai pas le fait que je suis favorable à toute révolte contre le racisme, je considère que l'on ne peut en aucun cas accepter un apartheid, une ségrégation ou des groupuscule qui agissent comme le Ku Klux Klan. Mais il ne faut pas oublié le passé de l'Italie; dans les années 70, l'absence de l'État a engendré de nombreuses violences, des attentats, une lutte armée entre groupes d'extrême droite et d'extrême gauche. Quand l'État est incapable de garantir des droits fondamentaux, et quand il n'est pas décidé à le faire, on en arrive à des actes de violences. Face à des racistes qui s'arment pour chasser les immigrés, si la police n'intervient pas, la violence de la part des immigrés est une conséquence logique et inévitable.
Toujours est-il, qu'en tant que petit fils d'immigrés italiens qui ont quitté l'Italie du sud pour travailler en France, j'ai aujourd'hui honte de voir comment certains italiens et l'Etat italien considèrent et traitent les immigrés en Italie.
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